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La Dame verte
La Franche-Comté a ses légendes féériques venues d'Orient par les pélerins, par les croisades ; celles qui sont venues du Nord par les guerres et les voyages ; et celles dont l'origine est si incertaine, dont la forme est si bien appropriée au caractère Franc-Comtois, que la région les revendique comme lui appartenant réellement.
La Dame verte, c'est la sylphide, la déesse, la fée des prairies de Franche-Comté, elle est belle et gracieuse ; elle a la taille mince et légère, comme une tige de bouleau, les épaules blanches comme la neige des montagnes, et les yeux bleus comme la source des rochers.
Les marguerites des champs, lui sourient quand elle passe ; les rameaux d'arbres l'effleurent avec un frémissement de joie, car elle est la déesse bien-aimée des arbres et des fleurs, des collines et des vallées. Son regard ranime la nature comme un doux soleil, et son sourire est comme le sourire du printemps
Le jour, elle s'assoit entre les frais taillis, tressant des couronnes de fleurs, ou peignait ses cheveux blonds avec un peigne d'or, ou rêvant sur son lit de mousse au beau jeune homme qu'elle a rencontré.
La nuit, elle assemble ses compagnes et toutes s'en vont folâtrés, et légères, danser aux rayons de la Lun et chanter. Le voyageur qui s'est trouvé égaré le soir au milieu des montagnes de Franche-Comté a souvent été surpris d'entendre tout à coup des voix aériennes, une musique harmonieuse, qui ne ressemblait à rien de ce qu'on entend habituellement dans le monde : c'étaient des chants de la Dame verte et de ses compagnes.
Quelquefois aussi les malines sylphides égarent à dessein le jeune paysan qu'elles aiment, afin de l'attirer dans leur cercle, et de danser avec lui. Que si alors il pouvait s'emparer du petit soulier de verre d'une de ces jolies Cendrillon, il serait assez riche ; car pour pouvoir continuer de danser avec ses compagnes, il faudrait qu'elle rachetât son soulier, et elle l'achèterait à tout prix.
L'hiver, la Dame verte habite dans ces grottes de rochers, où les géologues, avec leur malheureuse science, ne voient que des pierres et des stalagtites, qui sont pourtant toutes pleines de rubis et de diamants dont la fée dérobe l'éclat à nos regards profanes.
C'est-à-dire, que la nuit, les fêtes recommencent à la lueur de mille flambeaux, au milieu des parois de cristal et des colonnes d'agate.
C'est là que la Dame verte emmène, comme une autre Armide*, le chevalier qu'elle s'est choisie.Heureux l'homme qu'elle aime! C'est pour cet être privilégié qu'elle a de douces paroles, et des regards ardents, et des secrets magiques ; c'est pour lui qu'elle use de toute sa beauté de femme, de tout son pouvoir de Fée, de tout ce qui lui appartient sur la Terre.
*Armide : Tragédie lyrique.
Pris sur internet : www.france-pittoresque.com